« Jean-Marie Rausch et moi » Stéphane Manchematin a toujours connu Jean-Marie Rausch… « de loin ». Depuis son enfance. Sa naissance, en 1971, coïncide avec l’arrivée de Jean-Marie Rausch à la mairie de Metz. « Durant toute mon enfance, Jean-Marie Rausch était pour moi l’incarnation du pouvoir. Mais c’est à partir de sa défaite en mars 2008 que j’ai commencé véritablement à m’intéresser à lui » Si Stéphane Manchematin s’y intéresse, ce n’est pas tant pour en faire le portrait, ni une instruction comme l’a fait Denis Robert – originaire de Metz aussi – mais pour proposer une méditation sur la question du pouvoir. Y a-t-il une vie après le pouvoir ? Est-ce que le pouvoir donne du plaisir ? La trahison fait-elle partie du pouvoir ? Dans un documentaire structuré en deux parties, l’une consacrée à « la conquête du pouvoir », l’autre à « la perte du pouvoir », Stéphane Manchematin explore la relation de Jean-Marie Rausch au pouvoir, tout en interrogeant son propre rapport à l’homme politique qui l’a marqué, de son enfance à l’âge adulte. Une approche de monteur : l’importance de la construction Cette quête a nécessité un travail de longue haleine, sur près d’une année : douze heures de rushes pour les entretiens (plusieurs longs entretiens avec Jean-Marie Rausch ; d’autres avec des personnes qui l’ont connu, et avec un historien), auxquels s’ajoutent des extraits d’archives de l’INA, des ambiances captées dans la ville de Metz, et des commentaires narratifs et autobiographiques, sortes de voix off de Stéphane Manchematin lui-même. Stéphane Manchematin travaille la structure du documentaire avec minutie, et prépare bien en amont : il écrit le sujet proprement comme un scénario de film , anticipant chaque séquence avant le tournage. Au cours de l’atelier, il a illustré sa manière de travailler à toutes les étapes, du projet initial (projet d’une dizaine de pages pour “Sur les Docks”, avec notes d’intention et précisions sur quelques personnages possibles) au montage. Au fur et à mesure de l’enregistrement des entretiens, Stéphane Manchematin les débriefe, et pour chaque personnage, il classe par thème les éléments abordés dans l’interview (ex : pour Jean-Marie Rausch : vie politique / religion / séduction / relation avec la presse etc.). Ensuite, il scripte en totalité les entretiens. Il peut ainsi les relire sans avoir besoin de les réécouter, et travailler directement la matière écrite, sélectionnant les passages les plus importants en usant d’un code couleurs et en les nommant (ex : JMR1 / JMR2 / JMR3 ; JMR pour Jean-Marie Rausch). Il organise ensuite les différents passages en formant un conducteur. Ainsi, Stéphane Manchematin arrive en salle de montage avec un conducteur déjà détaillé avec l’ordre et la délimitation des séquences en une sorte de pré-montage. Son code couleurs lui permet aussi de prendre du recul quant à l’équilibre de son documentaire dans la distribution de la parole (avec, par exemple, en rouge la parole de Jean-Marie Rausch, en bleu les extraits d’archives, en violet ses commentaires, etc. Le conducteur est ensuite affiné et mis à jour au fur et à mesure du montage fait avec le chargé de réalisation, Jean-Philippe Navarre. C’est donc bien avec une approche de monteur que Stéphane Manchematin aborde le documentaire : la structure y est maitresse, et elle lui permet de faire entendre avec précision ce qu’il veut faire entendre, à savoir, au-delà de la politique locale messine, une méditation sur le pouvoir, qui s’adresse à tout à chacun. – Les auditeurs référentiels que Stéphane a dans l’oreille quand il réalise son documentaire, nous confie-t-il, sont ses propres parents. Compte rendu proposé par Aude Rabillon. |